Cela s’était fait progressivement. Pour en arriver là. Sans qu’elle s’en rende vraiment compte. Sans qu’elle puisse aller contre. Elle se souvient du regard des gens, de la peur dans leurs yeux. Elle se souvient de ce sentiment de puissance qui repoussait toujours plus loin les limites du jeûne et de la souffrance. Les genoux qui se cognent, des journées entières sans s’asseoir. En manque, le corps vole au-dessus des trottoirs. Plus tard, les chutes dans la rue, dans le métro, et l’insomnie qui accompagne la faim qu’on ne sait plus reconnaître. Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu’elle était arrivée au bout et qu’il fallait choisir entre vivre et mourir.
« Elle est entre deux, elle le sait pour longtemps encore entre une maladie à laquelle elle ne peut tout à fait renoncer et des lendemains qu’elle peut encore entrevoir. »
Laure se bat contre Lanor, cet être qui un jour a décidé de la ronger de l’intérieur.
Ce monstre qui a décidé de lui tenir chaud dans ce corps qui se bat avec sa tête.
Delphine de Vigan nous livre avec émotion son combat, son combat sans faim.
Brut, dur, éprouvant, sa réalité, ce quotidien infernal qu’elle a su vaincre, elle nous décrit avec ses maux sa presque mort et sa renaissance, parce que oui, on peut guérir de l’anorexie.
L’anorexie un mal qui me touche moi qui suis boulimique. Comme, elle j’ai peur, j’ai peur de guérir, peur de me dire que malgré mes souffrances passées, je peux être heureuse et j’en ai le droit même si on m’a toujours fait croire le contraire.
Je me suis tant retrouvée dans cette nouvelle, elle fait mal, elle prend aux tripes mais elle sonne aussi l’espoir et la volonté que l’on peut sortir de cette route semée d’embuches.